Aucun object ne remplacera le smartphone...

Cahier d'un designer
Entre-temps

Toutes ces idées qui deviennent mes notes et qui parfois finissent en obsessions.

Entre origines du profilage et Expérience Utilisateur (UX), il n’y a à priori aucun rapport. En dévorant Mindhunter, la série de David Fincher (Se7en, The fight club), je n’ai pourtant pas pu m’empêcher d’y voir de nombreuses similitudes avec le métier de designer d’expérience. Face au constat “ le monde a changé ” il faut également changer notre façon de travailler !

L’histoire en bref

Le scénario est tiré de la biographie de John E. Douglas, Holden Ford dans la série produite par Netflix.

Holden Ford, ancien négociateur du FBI, devient enseignant à Quantico dans l’Unité des Sciences du Comportement en 1977. Il va sillonner le pays aux côtés de Bill Tench dans le but de sensibiliser la police locale quant à l’importance de la psychologie et de l’analyse comportementale appliquées à la criminologie.

C’est lors de leurs voyages de formations de la police locale que Holden Ford et Bill Tench vont commencer à interroger des tueurs en séquences et initier le profilage criminel. Ils vont faire appel à une psychologue indépendante, Wendy Carr, pour les aider à trouver le bon procédé.

Le constat initial : le monde a changé…
Holden Ford réalise que le monde a changé. Pour l’étudier, il pense qu’il faut comprendre les tueurs en séquences qui représentent ce changement. Il va devoir imposer cette vision dans un monde administratif ou la cognition n’est que fumisterie…

Notre monde a changé avec le web. Les consommateurs (acheteurs, utilisateurs) sont devenus consom’acteurs. Ils comparent, se renseignent, cherchent la meilleure qualité au meilleur prix, échangent leurs avis, exigent plus de transparence. Certains comprennent également que leur consommation a une action sur le monde (écologie, économie, politique).

Notre monde a changé avec le numérique. La surcharge d’information est difficile à gérer et pourtant cette information est déjà filtrée par toutes nos actions. La personnalisation des recherches réduit notre champs de vision sans que l’on s’en rende compte. Il devient de plus en plus difficile en tant que créateur d’exister de manière pérenne dans ce flux sans acheter de l’espace.

Notre monde a changé avec le digital. Les utilisateurs d’interfaces tactiles sont devenus exigeants, ils veulent une maîtrise totale de toute expérience liée à leurs besoins, envies et usages. Cette exigence dépasse maintenant le digital et touche toutes les expériences possibles. Face à ce nouveau monde, les designers d’expérience comprennent la nécessité de l’analyse comportementale des consom’acteurs. Non seulement, nous devons veiller à répondre à ces nouveaux acteurs, mais nous devons suffisamment les comprendre pour nous préparer à la génération en temps réel de la personnalisation des services et produits (design computationnel). Tout cela sans perdre notre identité !

A quoi sert notre travail si on n’arrive pas à convaincre les gens les plus déterminants ?

Holden, Mindhunter

Une lubie pour beaucoup de décideurs

Holden Ford va avoir des difficultés à convaincre la bureaucratie (le FBI, les procureurs, …) que la criminologie comportementale est nécessaire pour répondre au changement.

Car il s’agit bien de cela quand on parle de Design Thinking dans les approches UX : proposer le changement dans notre travail, passer d’une réflexion égotiste (tout par de moi créateur/producteur) à une réflexion basée sur l’étude, l’écoute et l’empathie et la vérification.

Si le signal (la vision, le fond, l’ADN, …) appartient toujours au créateur, la forme doit se moduler selon les caractéristiques de la personne qui le reçoit !

Le monde a changé… et s’est complexifié. Il est fini le temps où un visionnaire, comme Selfridges par exemple, pouvait appréhender seul les prochains mouvements de la société. Avec l’explosion du nombre de réseaux de diffusion et une surcharge informationnelle de l’humain, il faut aujourd’hui collaborer pour comprendre tous les impacts d’un projet afin d’avoir de la valeur ajoutée sans perdre ses valeurs.

Comment peut-on se prévenir des fous si on ne sait pas comment ils pensent ?

Bill, Mindhunter

3 grandes facettes de ce que doit être un UX designer

Dans la série, Holden Ford s’allie à deux autres personnes pour initier le profilage criminel. Chacun représente une facette nécessaire à tout designer d’expérience…

Le visionnaire (Holden Ford).
Il a une grande dose d’empathie quand il s’agit de comprendre l’autre. Il voit des schémas au-delà des tendances, raisonne aisément, aime le jeu intellectuel lié à la psychologie, aux mots et aux idées. Il souhaite arriver à une réalisation concrète de son travail.

Ses qualités sont aussi ses défauts… il peut se perdre dans l’empathie, il va parfois avoir du mal à être synthétique et peut également perdre ses collaborateurs par des représentations trop intellectuelles.

Le “ facilitateur ” (Bill Tench).
Il a les pieds sur terre et veut les garder. Sa facilité à raisonner lui permet de comprendre le visionnaire. Il sait également le tempérer et facilite le travail avec tous les collaborateurs par une approche très pragmatique. Il fera tout pour arriver à une réalisation concrète de son travail.

Il peut par contre avoir peur d’aller trop loin dans l’idéation (processus créatif de génération de nouvelles idées en partant d’hypothèses) car il voit déjà les difficultés que des nouvelles idées peuvent engendrer.

Le consolidateur (Wendy).
Il transforme par les protocoles de simples interviews en études diffusables qui permettront un travail concret et mesurable. Il maîtrise la sociologie, élabore des théories, réitère facilement.

Il peut ne pas comprendre le travail sur le terrain et préférera toujours qu’on suive un protocole quitte à perdre une information précieuse. Il s’intéresse plus aux études qu’à la réalisation concrète qui en découle.

Il nous faut des protocoles afin de créer une base de données cohérente.

Wendy, Mindhunter

Ces trois facettes se répartissent d’une manière inégale chez un être humain, et tant mieux ! C’est pour cela qu’une collaboration de plusieurs designers d’expérience est utile sur les plus gros sujets. Un bon chef de projet ou Scrum master pourra évidemment jouer le rôle de facilitateur .

Ils sont toujours en train de répéter que le temps change les choses, mais en réalité vous devez les changer vous-même.

Andy Warhol

Les mots de Warhol auraient pu être la bonne conclusion à ce billet. Le métier designer d’expérience est encore trop considéré comme seulement un travail d’optimisation et conversion. J’ai entendu le mot « cosmétique » pour le définir il n’y a pas longtemps. Pourtant, il est bien plus que ça… le monde a changé ;) .

Une de mes obsessions est un classique chez les designers : Comment réussir à faire comprendre notre métier. Ci-dessous un texte qui date de 2018:
Mindhunter, entre origines du profilage et UX…